Le Photographe
Arrivé de son Beaujolais natal, où "lorsqu'on grimpe un rocher on a toutes les chances de trouver une vache au sommet!", il entreprit assez rapidement de courir les collines avec un appareil à plaques puisque certaines de ses photos sont datées 1929 et 1932. Il avait à coté de son cabinet médical, une petite salle qu'il appelait la salle à pansements et où trônait sur la droite un agrandisseur. Cette pièce se continuait par ce qu'il appelait son cagibi, qui lui servait de bureau avec planche à dessin, bouquin de trigo, plumes, encre de chine, une belle boite de crayons de couleur Conté que je convoitais. Il y passait des heures calculant, dessinant, fumant cigarette après cigarette, et s'il n'a pas succombé à un cancer du poumon c'est probablement grâce aux autres heures passées en plein air dans ses collines préférées.
autoportrait en 1932 devant une de ses "cheminées" qui servaient à la grillade
Le Géomètre
Le Géomètre
Il fit le plan du Clos et des 2 sources avec l'aide du jardinier et d'un décamètre. Dans les Calanques il utilisait un théodolite dans une caisse en bois, ou une planchette. Ma mère et moi tenions la mire.
Il prenait ses notes et faisait ses calculs de trigonométrie sur d'innombrables carnets. Il m'initia aux visées et aux relevés de planchette avec l'alidade , mais nous faisions surtout les sherpas, ce qui d'ailleurs fût mon surnom à l'époque de la carte de la Grande Candelle. Car en plus du théodolite dans sa boite, il y avait le trépied à porter! Il disait qu'il utilisait les techniques de 1910.
Il se servait de ses photos pour faire des courbes de niveau. Pour les cartes des domaines il a utilisé la triangulation qu'il avait établie lorsqu'il a fait les deux cartes des massifs de Marseilleveyre et de Puget, qui sont reproduites au début des livres d'escalades correspondants
Il se servait de ses photos pour faire des courbes de niveau. Pour les cartes des domaines il a utilisé la triangulation qu'il avait établie lorsqu'il a fait les deux cartes des massifs de Marseilleveyre et de Puget, qui sont reproduites au début des livres d'escalades correspondants
Au travail sur la carte de la Candelle avec en toile de fond l'ile de Riou et le Cap Morgiou où se trouve la Grotte Cosquer
Au travail dans le massif de St Michel avec le théodolite
Au travail sur la carte du Domaine de la Gardiole
Théodolite et Alidade pour la carte de la Candelle
Alidade pour la carte de la Gardiole en compagnie d'un de leurs chiens
Altitudes de la face sud de Riou
En 1962 il présenta un travail réalisé 4 ans auparavant pour l'amélioration du port des Goudes qui fut accepté et réalisé par la ville, à l'exception des tunnels de refoulement qui permettent au niveau de l'eau de ne pas monter dans le port en cas de gros vent. Il n'était pas architecte, mais il connaissait ce que savaient les romains! Comme rétribution il demanda une place au quai pour son bateau ce qui lui fut refusé parce qu'il n'était pas pêcheur. Comme il n'était pas communiste, on oublia de donner son nom aux digues qu'il avait conçues, dessinées et planifiées.
Les digues du Dr. Albert
Le Navigateur
Il avait loué un cabanon aux Goudes , il acheta un bateau ou plutôt une bètte, la Petite Raymonde.
Il naviguait comme il faisait de l'escalade , pour le sport. Je le revois sortant un jour de largade qui rendait la mer d'un vert laiteux devant les Goudes. On voyait le fond intérieur de la Petite Raymonde quand elle montait à l'assaut des vagues. Il portait un feutre marron durci par le sel des embruns.
Remise en état de la Petite Raymonde sous l'oeil interéssé de Riri Soler son beau-frère et Jean Meunier son ami
La petite Raymonde et la Grosse Biquette étaient à Riou en 1932 (Cliché Dr.Albert)
Pendant la guerre mes parents allaient à 4 rames sur la petite Raymonde et avec une petite voile qu'ils utilisaient pour camper dans les parages de la Calanque de l'Oule.
Elle fut parquée à Port Miou lors de la voie de la Bonne Femme dans le Devenson en 1952, la dernière grande première de Georges Albert et Jean Meunier.
Après la mort de son beau-père en 1962, il racheta le Flambeau, y installa un moteur Delaye et une boite Couach, ce fut le bateau de Riou
Elle fut parquée à Port Miou lors de la voie de la Bonne Femme dans le Devenson en 1952, la dernière grande première de Georges Albert et Jean Meunier.
Après la mort de son beau-père en 1962, il racheta le Flambeau, y installa un moteur Delaye et une boite Couach, ce fut le bateau de Riou
Arrivée du Flambeau à Fontagne après 64 (voir le cabanon)
Le Constructeur
Il savait tout faire de ses mains. Dans tous les campings qui servirent de base pour des escalades de longue durée, comme au rocher de Calissane, il construisait en pierres sèches des cheminées destinées à permettre la cuisine sur la braise, et le chauffage le soir.
A Calissane cela servait aussi à s'enfumer au crépuscule lorsque les moustiques de l'Etang de Berre montaient à l'assaut pendant une demi-heure. Lorsque nous arrivions avec la Delage c'était les taons qui semblaient fascinés par le blanc et bleu de la carosserie qu'ils devaient croire être une vache.
Construction de la cheminée du camping de Calissane , sous les pins qui gelèrent en 1957
près du rocher dont il escalada toutes les faces
Dans le vallon des Charbonniers il me donna un cours de construction de mur de pierre, en réparant un abri, semblable à celui qu'il bâtit en 1947 sous la diaclase de Fontagne
Le cabanon de Fontagne est une étude de maison-minimum pour 2 avec une vraie cheminée à l'intérieur. Par contraste le mausolée qui devait abriter la pompe et la vasque à eau pour les animaux me parait disproportionné, mais le relief d'amphore est assez réussi , bien qu'il ne soit pas représentatif des amphores de la Fons
près du rocher dont il escalada toutes les faces
Dans le vallon des Charbonniers il me donna un cours de construction de mur de pierre, en réparant un abri, semblable à celui qu'il bâtit en 1947 sous la diaclase de Fontagne
Le cabanon de Fontagne est une étude de maison-minimum pour 2 avec une vraie cheminée à l'intérieur. Par contraste le mausolée qui devait abriter la pompe et la vasque à eau pour les animaux me parait disproportionné, mais le relief d'amphore est assez réussi , bien qu'il ne soit pas représentatif des amphores de la Fons
A gauche , l'abri sous la diaclase de Fontagne
Joseph Lingria , Georges Albert et le cabanon de Fontagne
Le Grimpeur
Il joignit le groupe de l'Araignée créé par Bouisson et Meunier pour apprendre à escalader.
Il était le plus vieux du groupe . . Il en prit la tête d'autorité assez rapidement.
De tous les noms que j'ai entendu prononcer, Bouisson, Guillot, Meunier , Rebuffat, Coudray, c'est sans conteste Jean Meunier qui fut le second le plus fidèle. Ils signèrent ensemble le 24 Mai 1951 la première des Falaises Soubeyrannes "parce qu'elles sont les plus hautes de France", mais le Cap Canaille s'il limite les Calanques de calcaire n'offre que de l'escalade facile dans du terrain propice aux éboulements, et ils retournèrent vers le Devenson pour la dernière grande envolée qui commençait où ils débarquaient de la Petite Raymonde. Ma mère et moi sommes restées à En-Vau en camping pendant un mois. Nous allions à Cassis pour la messe (ç'était l'année de ma communion) et les commissions. Je tenais la barre elle tournait la manivelle pour demarrer le moteur!
Le dernier jour, le mistral s'étant levé comme il sait si bien le faire dans l'après-midi, on voyait les moutons se presser devant Castel-Vieil de la plage. Nous sommes parties bien avant l'heure du rendez-vous, nous avons enfin récupéré les 2 hommes et tout leur matériel: aux pieds dans l'eau de la voie de la Bonne femme.
En tournant à angle droit devant Castevieil pour rejoindre Port Miou je revois encore l'eau bouillonnant à quelques centimètres du bord près du gouvernail, et puis le calme à l'abri du vent. C'est ce jour-là que Meunier mentionna tranquillement qu'il ne savait pas nager!
En 2008 sur le lac d'Elsinore Commandant Mickey et Capitaine Dingo se retrouvaient seules aux commandes d'un bateau encore une fois et s'émerveillaient d'avoir eu En-Vau comme terrain de jeu pendant un mois grace à mon père qui partait en moto faire son cabinet.
Pendant la guerre il fabriquait ses pitons sur une forge. Pitons, mousquetons, étriers et marteau, la panoplie du grimpeur d'escalade artificielle. Ma mère qui lui servait de second, était la dépitonneuse attitrée, et devait tout enlever. Aussi je fus surprise d'apprendre qu'il avait donné tous ses pitons à un de ses clients pour qu'ils soient scellés dans les voies les plus populaires afin d'éviter la dégradation due au dépitonnage
Georges Albert et les frères Schneider en 1930
Gisèle aux Deux Anes
Mon favori, le rappel ..partout, il faut bien redescendre
Le Spéléologue
Il ne pouvait manquer de faire de la spéléo . Ma mère adorait ça. Le nom prononcé avec le plus de respect était le Gouffre des 4 trous, dans la Gardiole
Là encore, les amis de toujours suivirent.
J'eus droit à une seule expérience de descente sur échelle, qui ne m'a pas passionnée!
Il ne pouvait manquer de faire de la spéléo . Ma mère adorait ça. Le nom prononcé avec le plus de respect était le Gouffre des 4 trous, dans la Gardiole
Là encore, les amis de toujours suivirent.
J'eus droit à une seule expérience de descente sur échelle, qui ne m'a pas passionnée!
En compagnie de Joseph Lingria, un des fidèles.
Ils partageaient surtout l'amour de la mécanique. Lingria était tourneur aux Etablissements Onis du Boulevard des Vignes , et lorsque mon père avait besoin d'une pièce pour la Delage ou le bateau, c'est Lingria qui la faisait ou l'aidait à la faire.
L'Auteur
Il rédigea un livre d'escalade de près de 300 pages pour décrire les voies d'escalade dans les Massifs de Marseilleveyre et de Puget utilisant les photos choisies dans la centaine qu'il prit dans les Calanques.
Je l'ai intitulé Escalades
Il écrivit aussi 35 pages sur la découverte de la fontaine des Grecs: Fontagne
Le Médecin
Ils partageaient surtout l'amour de la mécanique. Lingria était tourneur aux Etablissements Onis du Boulevard des Vignes , et lorsque mon père avait besoin d'une pièce pour la Delage ou le bateau, c'est Lingria qui la faisait ou l'aidait à la faire.
L'Auteur
Il rédigea un livre d'escalade de près de 300 pages pour décrire les voies d'escalade dans les Massifs de Marseilleveyre et de Puget utilisant les photos choisies dans la centaine qu'il prit dans les Calanques.
Je l'ai intitulé Escalades
Il écrivit aussi 35 pages sur la découverte de la fontaine des Grecs: Fontagne
Le Médecin
L'Ami des Bêtes
Joséphine, la rate, devant le cabanon de Fontagne où elle entrait pour prendre du chocolat
Les chiens, les chats cela va sans dire. Le cabanon des Goudes de "Quiétude" devint "Cats house". Je ne crois pas avoir jamais connu la maison sans chat. Un des favoris, Mitsou, voyageait dans la Delage allongé entre le dos du conducteur et le dossier. Il avait aussi inventé de faire le beau pendant le diner à coté de mon père, qui, à la réflexion, encourageait tous ses caprices
Les chiens, les chats cela va sans dire. Le cabanon des Goudes de "Quiétude" devint "Cats house". Je ne crois pas avoir jamais connu la maison sans chat. Un des favoris, Mitsou, voyageait dans la Delage allongé entre le dos du conducteur et le dossier. Il avait aussi inventé de faire le beau pendant le diner à coté de mon père, qui, à la réflexion, encourageait tous ses caprices
Plan d'Aups - 1943
La Grosse Biquette, la chienne-loup compagne des années de guerre eu droit à une première d'escalade canine. Elle trône sur la plage de l'Aiglon dans la photo de la Calanque de 1932.
Ce fût Meunier qui se dévoua pour mettre fin à sa vie. Je ne crois pas que mon père aurait pu.
Pourtant il ne dédaignait pas de tirer au fusil, et la bigue de Riou porte des traces de balle de fusil de guerre (concours de tir à partir de la plage de l'Aiglon), mais il ne chassait pas pour avoir blessé un oisillon lors d'une partie de chasse avec son père. Il racontait avoir pris des oiseaux à la colle pour peupler la volière du clos, dans laquelle on mettait ensuite du sable pour qu'ils puissent se débarrasser de la colle et des petits bouts de bois.
Il ne pêchait pas non plus. Il s'adonna un temps à la pêche aux fioupelans parce qu'il les prenait à la main et de nuit, et que sa belle-mère en raffolait. Mais il abandonna cela aussi, et dans la petite calanque de Plane nous mettions des os de côtelettes pour les crabes, et le poulpe qui s'aventurait, se faisait gratter entre les yeux, et finissait par enrouler ses tentacules pour bien profiter de ce traitement amical inattendu
Le Passionné d'automobile etde mécanique
Il racontait qu'un de ses amis de collège était un duc qui avait un château avec une orangerie qui servait de garage à une Bugatti de course. A ce moment là, on pilotait avec son mécanicien assis à coté. Mon père faisait le mécano! Leur carrière se termina par une sortie de route à travers une haie épineuse.
La Grosse Biquette, la chienne-loup compagne des années de guerre eu droit à une première d'escalade canine. Elle trône sur la plage de l'Aiglon dans la photo de la Calanque de 1932.
Ce fût Meunier qui se dévoua pour mettre fin à sa vie. Je ne crois pas que mon père aurait pu.
Pourtant il ne dédaignait pas de tirer au fusil, et la bigue de Riou porte des traces de balle de fusil de guerre (concours de tir à partir de la plage de l'Aiglon), mais il ne chassait pas pour avoir blessé un oisillon lors d'une partie de chasse avec son père. Il racontait avoir pris des oiseaux à la colle pour peupler la volière du clos, dans laquelle on mettait ensuite du sable pour qu'ils puissent se débarrasser de la colle et des petits bouts de bois.
Il ne pêchait pas non plus. Il s'adonna un temps à la pêche aux fioupelans parce qu'il les prenait à la main et de nuit, et que sa belle-mère en raffolait. Mais il abandonna cela aussi, et dans la petite calanque de Plane nous mettions des os de côtelettes pour les crabes, et le poulpe qui s'aventurait, se faisait gratter entre les yeux, et finissait par enrouler ses tentacules pour bien profiter de ce traitement amical inattendu
Le Passionné d'automobile etde mécanique
Il racontait qu'un de ses amis de collège était un duc qui avait un château avec une orangerie qui servait de garage à une Bugatti de course. A ce moment là, on pilotait avec son mécanicien assis à coté. Mon père faisait le mécano! Leur carrière se termina par une sortie de route à travers une haie épineuse.
Dans les années 50 il fit plusieurs fois la course de côte du Ventoux avec la Delage.
Il la restaura complètement, nous mettant à contribution pour le ponçage, la voiture étant bordeaux à l'origine il fallut poncer jusqu'à la tôle car il la repeint blanc bleuté et bleu foncé, et le blanc gardait une nuance rosée qui n'était pas à son gout!
Il installa un petit carburateur pour la circulation en ville, parallèlement aux 3 pour la route.
A partir de 1955 il décida d'aller aux 24 heures du Mans. On partait à l'aube et on arrivait au Mans 8 heures plus tard. Je faisais le navigateur, il n'y avait pas d'autoroutes à l'époque.
On essayait chaque année de battre notre temps. C'est ainsi que je passais la seconde partie de mon bac au Mans en 1958, et que nous dûmes camper 2 semaines en Bretagne pour attendre l'oral.
J'eus droit au Grand Prix de Monza et Venise pour mes 20 ans.
Ce qui faisait sa fierté c'est d'avoir trouvé du carburant pour Nuvolari au GP de Marseille juste après la guerre. Il était le médecin de Robert Manzon qui courrait sur Simca Gordini avec Maurice Trintignant , l'oncle de l'acteur. En 1949 à l'age de 8 ans j'assistais donc à mon premier GP à Marseille et vis gagner Juan Manuel Fangio qui fut l'idole de ma jeunesse.
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